Violentes émeutes à Nanterre en France, des journalistes menacés
«Ils reculent! On y va les gars, on avance, à mort les keufs!»: jusqu’à tard dans la nuit de mercredi à jeudi, des centaines d’émeutiers ont de nouveau affronté les forces de l’ordre à l’ouest de Paris, là où Nahel, 17 ans, a été tué par un policier après un refus d’obtempérer.
Avant le coucher du soleil, la situation était calme sur Nanterre. Dans cette ville du département des Hauts-de-Seine où Nahel a été tué par balle mardi, hommes et femmes de tous âges circulaient tranquillement en tenue d’apparat pour la fête musulmane de l’Aïd-el-Kébir.
Avant d’être remplacés à la tombée de la nuit par des jeunes vêtus de noir, le visage caché sous une cagoule ou une écharpe. C’est dans le quartier du Vieux-Pont, dans l’ouest de la ville, que les premières échauffourées ont éclaté, au moins deux voitures étant incendiées avant un rapide retour au calme.
Mais le cœur des émeutes se trouvait dans le quartier Pablo-Picasso (est), un ensemble de ruelles sinueuses s’entrelaçant autour des célèbres «tours Nuage», immeubles des années 1970 mêlants arrondis et lignes droites conçues par l’architecte français Emile Aillaud.
Poubelles et mobilier urbain brûlent sur la chaussée. Une épaisse fumée noire s’élève. Des groupes de jeunes bien organisés surveillent les entrées du secteur, sillonnées par des scooters aux plaques d’immatriculation camouflées, à la recherche des forces de l’ordre.
À l’intérieur du quartier, où flotte une âcre odeur de brûlé, plusieurs centaines de jeunes émeutiers affrontent la police à coups de pétards et de feux d’artifice.
Les forces de l’ordre restent prudemment à distance, répondant essentiellement par des grenades lacrymogènes et quelques charges qui suffisent pour que s’égaillent brièvement les émeutiers.
C’est avenue Pablo-Picasso, l’artère qui traverse le quartier, que les affrontements sont les plus intenses. Quadrillée par les forces de l’ordre, la rue laisse voir sept voitures carbonisées finissant de flamber.
Autour de chaque scène d’émeute, le même tableau: des riverains venus pour filmer avec leur téléphone portable et commenter la scène en direct, sans y participer ni la condamner.
Les photographes et vidéojournalistes ne sont pas les bienvenus et des jeunes ont demandé avec insistance à des journalistes de l’AFP ayant une caméra de quitter le quartier.
Dans la commune avoisinante de Puteaux, au pied du quartier d’affaires de la Défense, un groupe d’une douzaine de jeunes, profitant de la pagaille, a aussi violemment attaqué et frappé au visage un homme qui passait avec sa femme, le laissant en sang.
Sur un mur, un immense tag annonce «27.06.2023 Début de la guerre !!! Un bon flic est un flic mort» puis «Justice pour Nahel», tandis que le jeu du chat et de la souris continue.
Selon une source policière, le quartier Pablo-Picasso était celui où se concentraient les émeutes à Nanterre.
Mais des heurts ont éclaté dans toute la région parisienne, laissant entrevoir depuis l’autoroute qui entoure la capitale des nuages d’épaisses fumées noires, des explosions de feu d’artifice dominant des barres d’immeubles et d’innombrables camions de pompiers et véhicules de forces de l’ordre fonçant toutes sirènes hurlantes.