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Culpabilité et «impuissancehabitent les témoins du calvaire de George Floyd

Un jeune caissier empli d’un sentiment de «culpabilité», un vieil homme qui pleure d’«impuissance»: le procès du meurtre de George Floyd s’est poursuivi mercredi à Minneapolis par l’audition de témoins qui peinent à se remettre d’avoir assisté à son agonie.

Christopher Martin, un jeune homme noir de 19 ans, a expliqué aux jurés regretter d’avoir accepté le faux billet que lui tendait George Floyd, le 25 mai dans la grande ville du nord des États-Unis, ce qui a conduit la police à intervenir.

Ce jour-là, il travaillait comme caissier à l’épicerie Cup Foods, quand il a remarqué le quadragénaire noir «parce qu’il était grand» (environ deux mètres).

Après un court échange, George Floyd a acheté un paquet de cigarettes avec un billet de vingt dollars. «J’ai vu un pigment bleu (…), j’ai trouvé ça bizarre et j’ai pensé qu’il était faux», a ajouté le jeune homme, visiblement nerveux.

Dans son magasin, si un caissier accepte un faux billet, la somme est retirée de son salaire. M. Martin l’a accepté, mais, «après réflexion», il en a parlé à son responsable, qui lui a ordonné de demander à M. Floyd de revenir dans la supérette.

Le quadragénaire étant resté dans un véhicule garé devant le commerce, le jeune caissier et des collègues sont alors sortis pour lui parler. Mais ils ne sont pas parvenus à le convaincre et un des employés du magasin a fini par appeler la police.

«Curiosité»

La suite a été racontée par Charles McMillian, un homme noir de 61 ans qui, passant par là en voiture, s’est arrêté «par curiosité».

Deux agents ont d’abord pointé une arme sur George Floyd pour le faire sortir de sa voiture, lui ont mis des menottes et l’ont ramené vers leur véhicule, a-t-il raconté.

M. McMillian a alors entamé un dialogue avec M. Floyd, qui refusait de monter dans la voiture de police. «Je lui ai dit d’obéir, qu’il ne pouvait pas gagner», a raconté le sexagénaire.

Les agents, désormais quatre, finissent par plaquer le quadragénaire au sol et l’un d’eux, Derek Chauvin, s’agenouille sur son cou et ne bouge plus malgré ses supplications, selon des vidéos de la scène présentées aux jurés.

À la vue de ce film, M. McMillan, qui avait jusque-là gardé sa contenance, a éclaté en sanglots. «Je me sentais tellement impuissant…», a-t-il soufflé, avant que le juge n’interrompe l’audience pour lui laisser le temps de reprendre ses esprits.

Sur une autre vidéo, on voit Christopher Martin sorti du magasin pour suivre la scène. Effaré, il a les mains sur sa tête. Interrogé sur ses sentiments à ce moment-là, il a répondu, la voix étranglée par l’émotion: «De l’incrédulité et de la culpabilité.»

«Si je n’avais pas pris le billet, tout ça aurait pu être évité.»

«Je m’excuse»

La veille, plusieurs témoins de la scène s’étaient déjà désolés de ne pas avoir pu «sauver» George Floyd.

Darnella Frazier, 18 ans, avait mis en ligne une vidéo du drame, qui a conduit des millions de personnes à manifester dans le monde entier contre le racisme et les violences policières.

Il n’empêche, «certaines nuits, je reste éveillée et je m’excuse auprès de George Floyd de ne pas avoir fait plus, de ne pas m’être interposée physiquement», a-t-elle confié en pleurs.

«Mais ce n’était pas à moi de faire autrement, c’était à lui», a-t-elle conclu à l’adresse de Derek Chauvin.

Cet homme de 45 ans, dont 19 au service de la police de Minneapolis, est inculpé de meurtre et d’homicide volontaire. Remis en liberté sous caution, il comparaît libre et plaide non coupable.

Son avocat soutient qu’il a appliqué une procédure conforme à sa formation et que George Floyd est mort d’une overdose au fentanyl et de problèmes de santé.

Mercredi, Me Eric Nelson a d’ailleurs insisté, lors du contre-interrogatoire de Christopher Martin, sur l’attitude peu cohérente du quadragénaire noir. Le jeune homme a reconnu qu’il parlait difficilement et était sans doute «sous l’influence» de drogues ou d’alcool, mais il l’a jugé «sympathique», pas agressif.

Les jurés devraient rendre leur verdict vers la fin avril ou début mai.

Les trois autres policiers impliqués, Alexander Kueng, Thomas Lane et Tou Thao, seront jugés en août pour «complicité de meurtre».

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